Le mercredi est une journée plutôt cool pour un prof. Bastien n'a que trois heures de cours. Une heure avec des secondes et deux heures avec des terminales. Il a cours de huit heures à onze heures et parfois, à regarder son emploi du temps si similaire à celui des élèves, il se surprend à soupirer comme un gamin qui ne veut pas se lever de bonheur. Ce n'est pas tant qu'il ait une raison pour parler, même le week-end il se réveille à six heures tapantes. Les secondes sont agités et Bastien leur donne des exercices à faire pendant l'heure. Après avoir essayé de ramener le calme deux fois sans succès, il s'asseoit à son bureau et observe ses élèves sans un mot. Peu d'entre eux font leurs exercices mais deux d'entre eux sur sa trentaine d'élèves ont quand même le bon sens de demander de l'aide - bien que sur les deux, un soit un chieur de première, tous les profs se plaignent constamment de ses questions qui n'ont souvent aucun rapport avec le cours et Bastien pourtant très pédagogue voit sa patience s'effilocher avec lui. A la fin de l'heure, il exige les exercices en promettant de les noter ce qui attire les protestations de ses élèves et bientôt son bureau est couvert de cahiers alors que les étudiants quittent la salle. Bastien feuillette les exercices sans grande conviction. Il ne compte pas les noter, ce serait catastrophique et il n'a pas envie d'expliquer au proviseur pourquoi les trois quarts de sa classe n'auront pas la moyenne. Il range les cahiers dans l'armoire du fond qu'il verrouille. Il leur rendra la prochaine fois avec un avertissement. Il sort de sa salle de classe et se dirige vers la salle des professeurs. Sa journée est finie mais il va manger avec des collègues. En les attendant, il envoie des textos à son petit-ami - il ne se lasse pas de le dire - et sourit à chaque fois que son portable vibre. Depuis que Thomas et lui se sont retrouvés, Bastien se surprend à être légèrement scotché à son portable quand ils ne sont pas ensemble et en cours, il doit se faire violence pour ne pas vérifier s'il a des messages. Il sait qu'il se comporte comme un adolescent mais il ne peut juste pas s'en empêcher. Evidemment, pendant le repas, ses collègues remarquent bien son attitude et se moquent ouvertement de lui tout en essayant de lui faire cracher le morceau sur son mystérieux amoureux mais Bastien ne dit rien. « Ca ne vous regarde absolument pas. » Et si Bastien n'est pas gêné, il ne veut néanmoins pas s'attirer les discussions houleuses sur le fait qu'il sort avec le frère d'un de ses élèves assez jeune par rapport à lui qui plus est. Finalement il quitte le lycée en passant par l'entrée réservée aux étudiants mais le chemin est plus court pour lui. Il est venu à pieds ce matin parce que malgré le froid, la météo annonçait un beau soleil. Il compte retrouver Thomas et c'est de bon pas qu'il passe les portes, la tête désormais loin des cours et concentrée sur un certain Poquelin.

Le lycée derrière lui, Bastien enfouit ses mains dans ses poches pour les protéger du froid. Comme quand il était gamin, il souffle par la bouche et quand il voit l'air blanchir, il sait qu'il fait définitivemen trop froid quand l'hiver n'est pas vraiment encore arrivé - du moins, pas d'après le calendrier - et il va pour hâter le pas, pressé d'être l'abri et surtout au chaud contre Thomas. Mais alors qu'il va pour accélérer, une voix le retient. Il relève la tête à l'entente de son nom et se retourne pour voir une jeune femme brune, les cheveux assez courts et avec un air qui lui est familier bien que pour autant, il est sûr de ne l'avoir jamais rencontrée. Il n'y a presque personne dans la rue et il se demande bien ce qu'elle peut lui vouloir. « Oui ? » Il a à peine le temps d'appréhender ce qu'il se passe qu'il se retrouve plaqué contre un mur par la jeune femme qui a visiblement plus de force qu'elle en a l'air. Ses yeux s'écarquillent sous le choc mais ce n'est rien comparé à la surprise que ses mots provoquent en lui. Son coeur s'emballe d'un coup et une peur panique s'empare de lui quand il se demande si elle n'est pas des flics, peut-être là pour l'arrêter pour détournement de mineur bien que rien ne soit arrivé entre lui et Arthur, même s'il a certainement dépassé les limites élèves/professeurs. Il repense à la menace d'Arthur et son sang se glace dans ses veines. Je vais dire à tout le monde que tu m'as forcé. Est-ce qu'il aurait osé finalement ? Bastien repense à ce qu'il s'est passé par la suite et se sent immédiatemment coupable en revoyant Arthur, en sanglots, murmurant qu'il n'est pas un monstre. Non, Arthur n'aurait jamais fait ça. Et aucun intérêt pour Thomas. Et depuis quand un policier attaquerait un civil aussi grossièrement ? Non, tout simplement, il a trop d'imagination ou traine un peu de culpabilité avec lui. Cependant, cela signifie que la brune est officiellement passée du statut de danger à emmerdeuse. Bastien se dégage d'un geste sec, attrapant ses poignets et la repoussant, le regard noir. Il suppose qu'elle doit tout simplement connaître Arthur et Thomas et cet air de familiarité vient peut-être du fait qu'ils sont de la même famille. Les deux ont dû se confier à elle et elle en a tiré de mauvaises conclusions. Bastien ne peut pas lui en vouloir. Excepté que ce ne sont pas affaires et que si, il peut. « Je vous conseille fortement de vous calmer. Je ne sais pas qui vous êtes mais une chose est sûre, ça ne vous regarde pas. Je gère ma vie comme je l'entends et à votre place, je passerai votre chemin. » Il la fusille du regard et va pour tourner le dos mais quelque chose le retient. Qui qu'elle soit, elle tient aux deux garçons et si Thomas va pafaitement bien - Bastien est là pour lui désormais - ce n'est pas le cas d'Arthur. Il se retourne donc et attrape le regard de la jeune femme pour lui faire comprendre qu'il pense chaque mot de ce qu'il va dire. « Sachez que je ne leur ferais jamais de mal. J'aime Thomas et je tiens à Arthur. Et si vous tenez à lui, je vous conseille d'aller lui parler. Arthur vit une situation compliquée et a beaucoup de secrets mais il a besoin de voir qe des gens tiennent à lui, qu'ils sont là à ses côtés. Si vous voulez vous rendre utile, allez le voir et faites lui comprendre que quoiqu'il arrive, vous serez toujours là. Il en a besoin. » Et sur ce, Bastien tourne le dos.