La situation dépasse largement Bastien. Il a beau essayé de toutes ses forces, il réalise bien vite qu'il n'arrive pas à communiquer avec Arthur. A chaque fois qu'il croit avoir réussi, Arthur fait quelque chose qui lui prouve le contraire. Mais ça, s'être blessé de son plein gré, visiblement, cela dépasse Bastien. Il sait qu'il a à faire à quelque chose de beaucoup plus grave qu'une petite déprime ou qu'un énorme manque de confiance en soi. Il n'est pas calé en psychologie mais en sait assez pour savoir que si Arthur ressent le besoin de s'infliger une douleur physique, c'est que son mal-être est grand voire dangereux pour sa sécurité. Aussi, l'aveu d'Arthur, presque désabusé comme si c'était normal laisse Bastien sans voix. Il ne sait plus ce qu'il peut dire ou faire à ce stade. Il se contente donc d'essuyer la plaie ensanglantée et essaie de trouver les bons mots. Il sait qu'il devrait laisser quelqu'un de compétent gérer cela, lui, il ne peut tout simplement pas. Mais à peine a-t-il proposé d'appeler quelqu'un qu'Arthur se dégage de son étreinte et se met à lui crier dessus. Bastien n'a même pas le temps de le retenir qu'Arthur est déjà hors de son appartement et Bastien reste les bras ballants, le regard fixé sur la porte ouverte. Une envie presque irréprécible le prend soudain dans les tripes et il envie d'aller fermer cette porte, de se barricader et de prétendre ne plus exister. Cette porte grande ouverte, au fond, c'est sa sortie de secours, son moyen de se dégager de toute cette situation. Il est venu à Paris pour fuir Arthur en premier lieu, pourquoi se compliquer la vie ? Qu'il la prenne cette fichue sortie, de toute façon Arthur ne veut pas de son aide. Bastien ferme les yeux et grimace. Il en a envie, il ne croit pas avoir eu autant envie de quelque chose dans toute sa vie. Mais il revoit cet adolescent pleurant et clamant qu'il n'est pas un monstre. Ce serait Bastien le monstre s'il partait maintenant. Soupirant, il se dirige vers le couloir, un regard vers les pizzas sans doute refroidies et finalement, il aperçoit la silhouette d'Arthur tremblante dans l'escalier. Il lâche un soupir, soulagé. Au moins, il n'est pas retourné dehors et il ne va pas avoir à le poursuivre sous la pluie encore. Il va pour s'avancer quand il se stoppe. Il doit trouver un plan, quelque chose. A chaque fois qu'il essaie de rationaliser et de se comporter en adulte, ça se finit avec le blond en larmes. Ils tournent en rond et Bastien a bien conscience de marcher sur des oeufs. Si Arthur s'est ouvert le front quand Bastien pensait que les choses allaient bien, qu'est-ce qu'il fera quand tout sera hors de contrôle ? Bastien est comme frappé par la réalité et il titube dans son appartement. Il sait ce qu'il doit faire et même si ce choix va lui peser sur la conscience, même si Arthur le haïra certainement après ça, Bastien sait qu'il n'a pas le choix. Il sort son portable et compose les deux chiffres. « SAMU, quelle est votre urgence ? » « Bonsoir, j'aurai besoin d'une ambulance au 88 avenue Saint-Mandé, 75012 » « Pour quelle urgence monsieur ? » répète la voix féminine que Bastien trouve un peu trop détaché. « C'est pour un adolescent de dix-sept ans, il... » Bastien hésite sur les mots, ne voulant pas dire de choses trop graves qui pourraient aggraver le cas d'Arthur mais il a besoin d'aide et ça, Bastien ne peut pas lui fournir. « Monsieur ? » « Il s'est blessé au front dans la soirée et a eu des sautes d'humeur. Il a un comportement qui me fait penser qu'il pourrait être un danger pour lui-même. Il a besoin d'aide. » La voix de Bastien se fait presque desesprée. « On vous envoie quelqu'un tout de suite. » Bastien ne prend la peine de réponse et raccroche. Il retourne ensuite dans le couloir en attendant que le SAMU arrive, espérant qu'Arthur ne bougera pas le temps qu'ils arrivent et si besoin, il le retiendra.