Aujourd'hui, nous étions vendredi et je venais de terminer ma journée à l'Académie de police. Nous nous étions à nouveau entrainé à tirer sur des cibles mouvantes, bien que vu mon niveau au tire, j'en avais guère besoin. Je rêvais d'une chose, aller sur le terrain et commencer le vrai boulot. J'avais hâte d'entrer dans une voiture de flic avec mon partenaire et nous mettre en chasse pour d'éventuel délits qu'ils soient graves ou non. Mais bon, comme dit le dicton : Chaque chose vient à qui sait attendre. Du coup, je me devais d'être patiente, au moins, aujourd'hui j'allais sûrement avoir une excellente note.

Quoi qu'il en soit, j'étais enfin rentrée d'une journée éprouvante. Fort heureusement, je ne bossais pas ce soir, ayant pris congé pour passer la soirée avec Lionel. Un jeune homme avec qui je m'entendais très bien. C'est alors que je regardai l'heure et décida de me changer avant d'aller à notre point de rendez-vous. Je partis prendre une douche bien chaude avant d'en sortir et d'enfiler une tenue. Je mis un jeans slim bleu clair et un haut noir suivit de mes petites bottes noires et laissa mes cheveux retombés sur mes épaules. J'étais fin prête pour sortir. Je sortis donc de la salle de bain, attrapa ma veste que je mis sur mon dos et pris ensuite mon sac à main avant de quitter la maison pour me diriger sur le Champ de Mars, à pied. J'aimais bien marcher le soir, ceci me permettait de me détendre tranquillement.

Une vingtaines de minutes plus tard, j'arrivai pratiquement sur le lieu du rendez-vous, je ne voyais Lionel nulle part. Mmm…Je me doutais bien qu'il n'allait pas arriver à l'heure, mais contrairement pour les autres, je ne lui en tenais pas rigueur. Car je savais qu'il était responsable de ces nombreux frères et sœurs. C'est pourquoi, je ne lui en voulais jamais, alors que normalement, je détestais que l'on soit en retard à un rendez-vous. Plus d'une fois il m'est arrivé de rentrer chez moi après seulement 10 minutes d'attente. Et peu importe que la personne ne le prenne mal, avec moi, on est à l'heure. Mais voilà, Lionel était l'unique exception, car je me doutais qu'il ne devait pas avoir la vie facile avec toutes ses responsabilités.

C'est don 20 minutes plus tard, que je vis le jeune homme arrivé, le sourire aux lèvres et me pris dans ses bras. Je le serra en souriant et l'écouta s'excuser tout en me demandant si j'allais bien. « Non tant fais pas, puis je sais que tu es débordé. » Lançais-je avant de poursuivre. « Sinon, moi ça va, comme toujours et toi ? » Demandais-je avant que l'on se mette un peu à marcher sans vraiment e but précis, car c'était toujours ainsi qu'on fonctionnait. On marchait et à un moment on s'arrêtera devant soit un bar ou un restaurant ou quelque chose d'autre. On fonctionnait au hasard et au felling du moment.
« Et comment va ta petite famille ? » Demandais-je également.

Après s'être pris dans les bras et de s'être salué, Lionel et moi marchions tout en discutant comme à notre habitude. Je lui avais demandé comment il allait ainsi que sa nombreuse petite famille. Il se mit donc à me parler d'eux, à me dire comme ils allaient. Pendant son histoire, j'avais l'impression d'y voir des étincelles dans son regard, on ne pouvait pas douter de son amour pour ses frères et ses sœurs. Cela se voyait à sa manière de parler d'eux, je l'avais même déjà vu à l'œuvre et c'est plus qu'un frère dévoué. Je suis certaine que si l'un d'entre eux lui demandait de tout lâcher pour s'occuper d'eux à pleins temps, il le ferait à la seconde même. Mais bon, je me trompe peut-être, mais j'en doute. Tout ce que j'espérais, c'était qu'ils étaient conscients de ce que Lionel faisait pour eux. Je l'admirais pour ça, cela ne devait pas être facile ni être drôle tout les jours de devoir jouer le chef de famille et s'occuper de ses cadets tout en travaillant pour subvenir à leurs besoins. Mais il y arrivait tant bien que mal, il était un pur exemple à mes yeux.

Plus d'une fois, il m'a montré qu'il avait des valeurs et qu'il s'y tenait. Déjà en fonction de son comportement avec sa famille, mais aussi lorsqu'on s'était embrassés un soir. Bien sûr, cette histoire ne s'était passé qu'une fois. Mais cela n'avait pas été plus loin vu qu'il était marié et qui plus est, fidèle. Sa femme a énormément de chance de l'avoir, un homme si dévoué et fidèle. En ce qui me concerne, je me sentais fière de l'avoir pour ami et je m'étais donnée le devoir qu'en ma présence, il s'amuserait et profiterais de sa vie, loin de ses responsabilités. Il méritait bien quelques moments rien que pour lui. « Oh je suis trop contente pour lui ! Il le mérite et merci, j'espère bien que tu me tiendras au courant. » Lançais-je suite au fait que Jonathan soit major de sa promotion. Cela devait être une fierté pour Lionel, cela lui prouvait qu'il réussissait très bien avec ses frères et sœurs. « En tout cas, je suis ravie de savoir que toute ta petite famille va bien. Au moins, tu n'auras pas la tête remplie d'angoisse et j'aurais plus facile pour te faire changer les idées. » Disais-je avec un large sourire aux lèvres.

Mais ce sourire disparu doucement lorsque Lionel me demanda comment allait mes cousins. Lui qui arrivait si bien à gérer sa famille, moi c'était plutôt la catastrophe. Du côté de Thomas, je n'avais pas à me plaindre mais avec Arthur, j'avais beaucoup de mal. Il se renfermait sur lui-même, me parlait à peine et je sentais qu'il me cachait des choses. Il changeait et je craignais de ce qu'il pourrait se passer. « Et bien, Thomas va bien, il est toujours centré sur ses études depuis la dernière fois que je l'ai vu. Je dois dire que cela fait un petit moment que je n'ai plus trop de ces nouvelles et pour Arthur…c'est compliqué. Il m'évite beaucoup et s'éloigne de moi. Je sens qu'il me cache des choses, qu'il ne va pas bien. Je veux l'aider mais il me repousse à chaque fois. Je suis complètement paumée et je me sens tellement inutile. Bref…Tu parles d'une cousine…» Terminais-je par un murmure et d'une voix blasé et fatiguée. Je tenais plus que tout à ces deux hommes, mais ils ne me facilitèrent pas la tâche.  Pendant un moment, je me suis même demander si ce n'était pas mieux que je m'éloigne d'eux, peut-être que c'était ce qu'ils voulaient. Mais bon, cette soirée n'était pas là pour être morose mais bien pour changer les idées à Lionel et le faire un peu déconner. « Bon, je te propose que l'on mange dans un petit resto peinard et ensuite, j'ai entendu dire qu'il y avait un genre de petite fête foraine en ville. On pourrait allez voir, on devrait bien s'éclater ! » Disais-je avec un sourire aux lèvres pour effacer le mal-être qui se cachait au fin fond de moi-même.

Angel. Elle était tellement gentille avec lui. C’était vraiment quelqu’un sur qui il pouvait compter. Il lui en était tellement reconnaissant pour ça… Quand il avait rencontré Angel, Lionel était vraiment au plus bas. C’était il y a environ cinq ans. Il y a cinq ans, la pire période de sa vie. Sa femme venait juste de partir. Pas définitivement, ou du moins ce n’était pas prévu. Elle était partie pour les études, pour un projet professionnel, en quête d’un rêve. En soi, ce n’était rien de mal… Mais Lionel, ne pouvait pas quitter Paris. Plus de parents, la garde légale de ses frères et sœurs cadets, trop de responsabilités, une épouse qui voulait vivre un peu sa vie indépendamment… Lionel ne l’en blâmait pas, après tout, elle était tellement jeune quand ils s’étaient mariés ! Elle avait seize ans, lui en avait dix-huit. Eux deux, c’était une évidence… Meilleurs amis du monde depuis l’enfance, ils avaient toujours su qu’ils finiraient par se marier. Peut-être était-ce simplement trop tôt ? Avec ses petits frères et sœurs, Lionel ne pouvait tout simplement pas s’amuser à vivre sa vie comme d’autres jeunes. Sa femme, elle, le pouvait encore. C’était seulement… Inattendu. Après deux ans de bonheur conjugal, Lionel n’aurait jamais pensé qu’elle partirait. Au début, elle revenait de temps en temps, pendant les vacances, mais rien n’était pareil. Il la suppliait de rester et en même temps, il ne voulait pas gâcher sa vie ni qu’elle fasse des reproches aigris plus tard.
Alors il avait laissé tout ça se faire. Il avait fini par accepter la situation, résolu. Un an qu’il ne l’avait plus revue. Heureusement qu’il avait ses frères et sœurs. Ou des amis comme Angel. Il n’oublierait jamais qu’à l’époque, c’était elle qui l’avait bien aidé. Dans la période où il commençait à sombrer un peu dans la dépression, après le départ de sa femme, Lionel s’était mis à traîner dans les bars, alors que ce n’était pas dans son habitude.
Et c’était là qu’il avait fait la connaissance d’Angel. Ils avaient bu un verre ensemble, ri ensemble, passé une bonne soirée. Lionel avait bien montré son alliance pour signifier qu’il n’était pas libre, mais ça ne les avait pas empêchés de devenir de bons amis. Angel, quant à elle, venait de quitter son copain et elle essayait de se changer les idées. Le hasard faisait bien les choses, oui… Ils étaient bien tombés l’un sur l’autre. Au fil du temps, ils étaient devenus très proches. Une fois, ils avaient même échangé un baiser. Mais ça n’était pas allé plus loin. Ils s’étaient ressaisis, Lionel voulant rester fidèle à sa femme malgré tout.
Et aujourd’hui, ils en étaient là, à se soutenir en cas de coup dur, à partager de bons délires. Elle lui parlait des difficultés qu’elle rencontrait avec ses cousins. « Arrête, tu joues très bien ton rôle de cousine. Tu sais, c’est normal de se sentir impuissant parfois, je suis bien placé pour le savoir. Avec les ados, il vaut mieux les laisser venir vers toi des fois. Ma petite sœur Roxane me parle d’Arthur, de temps en temps, tu te souviens, ils ont des amis en commun au lycée… » Tout en discutant, les deux amis marchaient et commençaient à prévoir un plan pour la soirée. Ce genre de soirées faisaient partie des préférées de Lionel. Repérant un petit restaurant qu’ils n’avaient jamais essayé mais qui avait l’air pas mal, Lionel prit Angel par la main et l’entraîna là-bas. « Pourquoi pas celui-là ? C’est moi qui régale. » En entrant, ils furent placés à une table pour deux, il y avait quand même pas mal de monde. Lionel se pencha sur la carte. « Je crois que je vais prendre une bière d’abord. Et toi ? »

© charney